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Sharknecdote #1 - Super Mario's Wacky Worlds

Par sharkun - Le 29/12/2014 à 11:27

Mystères, rumeurs, fakes, jeux annulés, mèmes, creepypasta (des pâtes qui font peur, tout à fait)... la rubrique Sharknecdote fait le point et l'encyclopédie de toutes les légendes urbaines et anecdotes sympathiques vidéoludiques, de quoi étendre un peu la culture des geeks que vous êtes. Si la plupart paraissent de prime abord totalement incroyables, ne vous méprenez pas, beaucoup y croient et il est bon de savoir que même dans le milieu du jeu vidéo, des éléments inexplicables et inexpliqués existent. Le but ne sera pas de savoir si telle ou telle histoire est vraie ou non, mais d'en parler afin de vous la faire découvrir sous tous les angles, de savoir comment tel ou tel buzz s'est propagé et de savoir ce qui en est à l'origine. Certaines histoires sont très connues donc ne vous attendez pas à découvrir quelque chose à chaque fois, et je sais que ça sera difficile (surtout pour vous popopooo ce que je vous mets) mais vous n'êtes pas le centre du Monde il est possible que vos petits camarades n'en aient pas entendu parler.

Sharknecdote #1 - Super Mario's Wacky Worlds 

Vous connaissez Mario ? Non ? Ça ne m'étonne même plus venant de vous. C'est vrai qu'il n'est pas très connu : c'est un plombier italien d'origine japonaise qui broute des fleurs et mange des champignons et tue des méchants champignons avec des carapaces rouges et vertes ayant appartenues à des tortues suicidaires qui ne font pas demi-tour lorsqu'elles voient une falaise. Voilà. Eh bien Mario compte désormais facilement plus d'une centaine de jeux à son effigie et est indéniablement la figure la plus emblématique de Nintendo et très certainement du jeu vidéo dans sa globalité ("ah bon mais je croyais que c'était Alex Mason de la campagne solo de Call of Duty Black Ops" bah tu sais quoi toi je te veux pas sur ma news tu retournes manger ton bol de céréales). Cependant, que dans la plupart de ses jeux Mario ait rencontré un grand succès critique et commercial ne signifie pas pour autant que sa série ait réalisé un sans-faute. Certains détracteurs vous citeront le jeu éducatif Mario is Missing paru en 1992 alors que d'autres chercheront plus loin et vous parleront d'un jeu auquel Nintendo n'a pas touché directement : Hotel Mario, paru sur une console n'appartenant pas au géant japonais : la Philips CD-I.  Et si je vous parle de ça, ce n'est pas pour tartiner, grappiller le plus de texte possible et faire un pavé plus grand pour donner l'impression que j'ai d'avantage travaillé sur cet article. Non. Ok un petit peu en fait, mais c'est surtout pour préciser qu'on oublie très souvent qu'un second Mario devait voir le jour sur la CD-I de Philips. Remettons-nous dans le contexte de l'époque, shall we ? 

Origines

Nous sommes au début des années 90. Le désormais très connu Super Mario World vient de voir le jour au Japon et rencontre un succès critique et commercial phénoménal. Les sorties américaines et européennes suivent et c'est fort de ce succès qu'on envisage déjà la suite à ce premier opus Mario 16 bits. On ? Nintendo ? Pas exactement non. A ce moment là, il n'était pas encore envisagé de faire Super Mario World 2: Yoshi's Island qui, comme nous le savons, n'est pas une suite directe à Super Mario World malgré son nom, mais simplement un nouvel opus dont l'intrigue se déroule au même endroit que le premier opus. Le jeu n'est sorti qu'en 1995 mais toutefois, l'idée d'une suite avait bien été prévue avant. Faire un nouveau Mario s'apparentant fortement à ce dernier opus et destiné à en être la suite directe sur la Philips CD-I. Ce jeu, c'était Super Mario's Wacky Worlds.

Cependant, comme dit précédemment, Nintendo ne participa pas directement au développement et à vrai dire, l'idée ne venait même pas d'eux. Petite piqûre de rappel : dans les années 90, il existait un partenariat entre Nintendo et Philips destiné à développer un support CD pour la SNES. Le projet a été abandonné mais Philips a continué à développer la chose dans son coin donnant ainsi naissance à une console que certains joueurs connaissent aujourd'hui (malgré eux certes) : la Philips CD-I. Il était convenu selon le contrat avec Nintendo que Philips, malgré l'échec du partenariat, avait le droit de développer quatre jeux issus de l'univers Nintendo : trois Zelda et un Mario. C'est ainsi que naquirent Link : The Faces of Evil, Zelda : The Wand of Gamelon, Zelda's Adventure et Hotel Mario rendus célèbres pour leur médiocrité et surtout par plusieurs détournements sur le net. En effet, les jeux, pour la majorité des joueurs et des critiques se sont avérés très mauvais, que cela soit en terme d'histoire, de fidélité par rapport à leur série respective ou plus simplement de gameplay. Ne m'obligez pas à parler des cinématiques horribles qui ont détruit mon Link.

Développement

Alors que la plupart des jeux destinés à la Philips CD-I n'emballent personne et enchaînent les échecs, le studio de développement de jeux vidéo NovaLogic va proposer un jeu qui va se démarquer du lot : Super Mario's Wacky Worlds (que l'on pourrait grossièrement traduire par "Les Mondes Farfelus de Mario") et pour cause, il est développé par une petite équipe ayant la ferme intention d'en faire un soft de qualité ("ça sera jamais aussi bien qu'un bon Call of Du.." Je croyais t'avoir dit d'aller manger tes Nesquik). Pendant près de deux semaines, jour et nuit, le designer Marty Foulger, les programmeurs John Brooks et Silar Warner et la graphiste Nina Stanley vont faire leur maximum pour développer une version du jeu qu'ils pourront soumettre à Nintendo. Petit rappel, le contrat stipulait bien qu'un seul Mario pourrait paraître sur Philips CD-I. Or, Hotel Mario était déjà paru et c'est la raison pour laquelle il fallut l'accord de Nintendo cette fois-ci.

C'est donc deux semaines plus tard, après le début du développement, que les deux programmeurs, Brooks et Warner, arriveront dans les locaux de la firme avec leur prototype de Super Mario's Wacky Worlds en précisant que le jeu, si Nintendo acceptait et les aidait, serait prévu pour l'année 1993.  Et étonnement, Nintendo fut tout de suite conquis par l'idée. Mais, car il y a un mais, les graphismes du jeu avaient beau paraître légèrement plus beaux que ceux de Super Mario World, cela n'était dû qu'au talent de la graphiste Nina Stanley dont les dessins étaient directement incorporés en jeu. En d'autres termes, les graphismes étaient directement dessinés et camouflaient à ce moment là les limitations techniques de la CD-I. Malgré ces belles couleurs, la CD-I de Philips souffraient énormément de plusieurs limitations techniques qui viendront perturber NovaLogic dans la création de Super Mario's Wacky Worlds, et de tout ordre. Si effectivement la console offre tout de même une bonne capacité graphique, elle ne permet pas de faire tout ce que souhaite le studio sur le jeu et des problèmes financiers se font aussi sentir. Le studio ne peut se permettre de trop investir dans le projet et sera contraint de faire des sacrifices. 

Annulation

Alors que le développement du jeu suivait son cours et ce, malgré les difficultés techniques et financières rencontrées par NovaLogic, le studio ne se laissa pas abattre. C'est le 3 mars 1993, après un an de travail intensif, que le studio présenta le prototype final. Mais mauvaise surprise : Nintendo changea rapidement d'avis lorsqu'on leur présenta le jeu qui en était rendu à 80% de son développement graphique et 95% de sa conception. Prenant en compte le facteur technique, réfléchissant au fait que les ventes de la Philips CD-I étaient catastrophiques et que NovaLogic manquait d'argent, Nintendo décida de mettre fin au projet et Super Mario's Wacky Worlds fut annulé. Malgré les efforts visibles pour fournir le meilleur travail possible de la part de NovaLogic, le studio a été trop handicapé par les restrictions de la consoles couplés aux problèmes externes. Nintendo a jugé bon de faire ce choix. 

Le projet était trop ambitieux pour la console de Philips et certaines choses ne pouvaient pas être incluses dans le jeu, comme certains sprites ou le Mode 7, et il était impossible d'afficher certains effets visuels à l'écran. Couplé au fait que NovaLogic voulait dépenser le moins d'argent possible pour faire ce jeu, les multiples restrictions entraînant des effets médiocres sur le jeu étaient inévitables. Et pourtant, bien que le jeu ait été destiné à la Philips CD-I, beaucoup croyaient en NovaLogic pour proposer ne serait-ce qu'un seul jeu Nintendo de qualité sur la console si décriée. D'ailleurs, certains sont toujours en deuil aujourd'hui et d'autres jouent même au prototype du jeu. En effet, le jeu était tout de même déjà bien travaillé. Le seul bémol à noter c'est peut-être les nombreux bugs qui subsistent en jeu puisque NovaLogic n'a pas fait de débogage, chose qu'on peut aisément pardonner puisque le studio savait d'ores et déjà que le jeu était annulé, il était donc inutile de faire une phase de débogage...

Le jeu en lui-même 

Dû au fait que Super Mario's Wacky Words se présentait comme une suite directe de Super Mario World, le design global du jeu s'inspire très fortement du jeu de la SNES mais avec quelques améliorations par-ci par-là permises par la technique de Nina Stanley et la Philips CD-I. Mais comme dit précédemment, c'est un cadeau empoisonné, car si la console avait des avantages, elle avait aussi et surtout des défauts par rapport à la SNES, notamment en termes de sprites. Les développeurs ont tout de même cherché à tirer parti au maximum de cette capacité qu'avait la Philips CD-I à proposer un très beau rendu varié et coloré (comme en témoigne le jeu Link : Faces of Evil) et décidèrent de réaliser de nombreux décors, bien plus variés que ceux de Super Mario World. Les décors en arrière-plan étaient beaucoup plus détaillés et les stages beaucoup plus grands. Et le terme "varié" n'a jamais été aussi vrai car avant Super Mario's Wacky Worlds, nous n'aurions jamais imaginé notre plombier italien voyager dans un monde mythologique directement inspiré de la Guerre de Troie, un Monde chimique géant bourré de potion et de tuyaux, une gigantesque caverne labyrinthique ou bien encore sur un bateau... Ah bah si ça a été fait ça. Mais avec un magnifique coucher de soleil en fond qui nous donne envie de crier "je suis le roi du monde" au-dessus de la proue du bateau ? Non.

Le level design avait en effet bien changé puisqu'il était beaucoup plus inspiré de notre monde tant au niveau des décors qu'au niveau des ennemis. On peut reconnaître des Koopas avec des armures grecques et un énorme cheval en bois (qui n'est autre que celui construit par Ulysse). C'était un monde qui faisait beaucoup penser au monde réel contrairement à Super Mario World qui était réellement ancré dans l'univers de Mario, le Royaume Champignon ou l'île des dinosaures plus précisément. Il y avait quelques autres nouveautés comme le mystérieux portail "M" qui pouvait servir de Warp Zone. Parmi les ennemis du jeu, un seul était de NovaLogic : un morse. Le reste n'était que des ennemis déjà existants mais légèrement modifiés. On peut citer à titre d'exemple un Koopa vampire ou un Koopa esquimau. Les mondes quant à eux étaient au nombre de six avec le monde antique, le monde hanté, le monde glacé, la jungle, le monde farfelu et le monde tubulaire (monde récurrent dans Mario, composé de nombreux tuyaux). Chacun contenait encore deux ou trois mondes différents dans lesquels il y avait deux ou trois stages respectant les thèmes des mondes principaux dans lesquels le joueur évoluait.

Le gameplay était quant à lui assez catastrophique et ça n'est en rien étonnant. On retrouve les mêmes défauts rencontrés sur les autres jeux de la console comme Link : Faces of Evil : un soucis de maniabilité dû à la manette déjà archaïque pour l'époque de la Philips CD-I qui rendait la progression en jeu très difficile. La musique quant à elle était tout simplement le thème de l'Overworld de Super Mario World très connu qui se jouait en boucle. On peut néanmoins excuser NovaLogic là-dessus puisque le studio comptait sûrement en inclure d'autres dans la suite du développement si le jeu n'avait pas été annulé.

Aujourd'hui 

Comme dit précédemment, le jeu a beau avoir été annulé, il était déjà bien développé. Le développement du jeu était quasiment terminé et donc, à l'instar de StarFox 2 annulé lui aussi à la quasi toute fin de son développement, il reste jouable, difficilement certes. On compte aujourd'hui seulement trois prototypes du jeu. L'un a été vendu sur eBay pour pas moins de 1000 dollars et le deuxième nous a été divulgué il y a déjà quelques années et nous permet de jouer au jeu via émulateur. On ne sait pas ce qu'il est advenu du troisième, on suppose qu'il est détenu par l'un des développeurs de NovaLogic, mais une légende raconte qu'il appartient à Michael Pachter et qu'il y jouerait toutes les nuits ce qui expliquerait ses prédictions 100%... Bah 100% fausses en fait. Tu m'en veux pas Pachtou ? Comme il s'agit seulement de prototypes, on retrouve de nombreux bugs comme des personnages qui disparaissent ou des soucis de hitbox au niveau des décors mais le jeu reste un minimum jouable.

En tout cas, une chose est sûre, nombreux sont les fans qui soutenaient le projet et même si Super Mario's Wacky Worlds n'est pas aussi connu aujourd'hui que d'autres jeux annulés, nul doute qu'il aurait créé une petite effervescence. Bonne ou mauvaise, nous ne le saurons jamais. 

Trailer Sharknecdote

Super Mario's Wacky Worlds en action :