Si The Cave est attendu au tournant, c'est sans aucun doute à cause du pedigree de son créateur, Ron Gilbert que beaucoup estiment en grande partie responsable du succès des vieux jeux LucasArts. Réuni avec son compère Tim Schafer, le duo a de quoi faire rêver. Car The Cave, c'est une promesse et pas des moindres : renouveler le jeu d'aventure traditionnel en lui insufflant la modernité des jeux de plates-formes 2D. Alléchant.
Le jeu d'aventure en point'n click, s'il est bien tombé en désuétude il y a de ça quelques années, n'a en réalité rarement été aussi à la mode que ces derniers temps. Après une renaissance placée sous le signe de Runaway et Syberia, les titres se sont succédés à un rythme soutenu et se sont rarement montrés décevants : de Sam & Max à Deponia en passant par The Next Big Thing, pour terminer sur l'étonnant The Walking Dead, les fans peuvent être aux anges. Difficile de comprendre dans ces conditions le propos un peu saugrenu duquel part le gameplay de The Cave : faire un jeu de plates-formes en reprenant les bases du jeu d'aventure (vous pouvez inverser à loisir les deux termes). Fallait-il brasser un public encore plus large ? Sûrement. Mais pour rester dans le ton et plaire aussi aux vieux de la vieille, il peut compter sur les qualités premières de son créateur et en particulier son écriture diablement efficace. Car si l'on nous laisse le choix parmi les personnages, le plus intéressant et bavard est sans aucun doute le narrateur de l'histoire, la caverne elle-même.
Avec la promesse d'y trouver ce que l'on désire le plus au monde, la grotte se laisse donc arpenter par une brochette de personnages tous plus salauds les uns que les autres. Mais attention, il faudra vous constituer un groupe avec seulement trois d'entre eux pour pouvoir y descendre. Et je ne crois pas me mouiller en disant que le choix ne sera pas aisé car le développement de chaque anti-héros semble horriblement amusant : un chevalier trouillard, un fermier pecnaud et amoureux, des jumeaux accrocs à la mort-aux-rats, une aventurière prête à tout pour découvrir un trésor, un moine maladroit qui cherche à usurper la place de son maître... Comme si cela ne suffisait pas, chacun d'entre eux est également doté d'une capacité spéciale qui lui sera utile pour résoudre certaines énigmes. Et évidemment, celles-ci sont très ancrées dans les poncifs du point'n click. Il faut chercher un objet, regarder avec quoi il peut intéragir mais aussi activer des mécanismes comme dans les jeux de plates-formes. Les personnages se dirigent un par un avec un bon joystick pour se diriger et un bouton pour sauter. En réalité, on reste dans quelque chose d'assez classique, les niveaux prenant la forme de différents tableaux à compléter en suivant une logique particulière. Lors d'une fête foraine, il sera par exemple nécessaire de truquer toutes les attractions pour pouvoir gagner le grand prix et passer à la zone suivante, et ainsi de suite.
Les stages de la caverne se divisent en deux catégories. Des zones communes à tous, et des zones particulières à thème ; les deux types se succédant avec régularité. En fonction de votre trio de sociopathes, vous aurez alors accès à différents lieux, représentant l'histoire d'un des personnages de votre équipe. Les jumeaux auront droit à un manoir londonien burtonesque, le moine à un monastère très Kung Fu Panda... A chaque fois, des marques seront disséminées sur les murs à chaque coin du niveau et vous permettront de débloquer un petit artwork franchement pas beau, mais ayant le mérite d'approfondir un peu le background des protagonistes. On regrettera simplement que celui-ci soit toujours assez prévisible et manque souvent de profondeur. Par ailleurs et c'est sans doute lié au thème morbide-cynique de l'oeuvre, mais l'humour semble moins fin que ce à quoi nous avions été habitués par LucasArts. Pour autant, c'est cruel, parfois malsain et dans la grande majorité des cas franchement amusant. C'est quand même bien là le principal.
Malheureusement il y a quelque chose de pourri au royaume des troglodytes. Cela viendrait-il de ce portage Wii U, codé avec les pieds ? Peut-être : avec sa résolution en 720p et sa fluidité de pâte à tartiner, on était certainement en droit d'attendre qu'au moins le jeu nous dispense de ces freezes à chaque sauvegarde et assure une uilisation du GamePad moins ringarde. Pourtant on serait tentés de dire que cela émane plutôt d'une succession de mauvais choix de game design, confinant le joueur à une conclusion désagréable : The Cave s'est trompé de genre. Un multijoueur raté et des errances de gameplay condamnent à de fastidieux allers-retours pour chercher des saucisses fumantes... Ce qui marche pour un point'n click traditionnel n'est pas aussi efficace dans un platformer. Sans parler des pièges, finalement pas si évidents pour tout le monde, dans lesquels les développeurs ont sauté à pieds joints. Chaque session vous permettra de découvrir la fin du scénario de trois personnages, et donc trois niveaux inédits. Sauf que les parties communes qui les entrecoupent sont toujours identiques ! Un vrai plaisir de se les refarcir à chaque partie ! Quant au nombre de sept héros, il est sidérant : vous serez obligé d'emmener avec vous deux larrons dont vous connaissez déjà toute la vie sur le bout des doigts pour pouvoir découvrir celle du dernier. Dommage, avec son esthétique enchanteresse et son écriture de bonne facture, The Cave aurait pu prétendre à tellement mieux. Mais quand le reste ne suit pas...
