S’il n’est à priori pas aussi  connu que Mario, Kirby n’en reste pas moins l’un des personnages emblématiques des consoles Nintendo. Crée par l’illustre Masahiro Sakurai il y a plus de vingt ans, Kirby est depuis le héros récurrent d’une série de jeux de plateforme, aussi originaux que divers dont le côté chamalow et rose bonbon tranche bien souvent avec l’ingéniosité diabolique des mécaniques de gameplay qu’ils développent.  

Game over the rainbow

Selon le fameux adage qui veut que le personnage incarne le gameplay des jeux dont il est le héros, c’est l’aptitude de Kirby à avaler ses ennemis pour s’en accaparer les pouvoirs qui se retrouve bien souvent au centre des titres Kirby. Il est vrai que cette particularité absorbante est ce qui distingue la petite boule rose de tous les autres héros de jeux vidéo en lui permettant de varier ses capacités et surtout le gameplay de ses jeux. Pour autant, certains épisodes osent faire plus ou moins l’impasse sur cette particularité sans pour autant renier le personnage et son héritage. C’est le cas notamment des épisodes NDS entièrement tactiles,  Kirby Mass Attack  dans lequel Kirby se dirige au stylet et  se démultiplie à la façon de LocoRoco sur PSP, et surtout Kirby et le Pinceau du Pouvoir dans lequel on ne dirige pas directement Kirby mais on lui trace un chemin grâce à des lignes multicolores. Une mécanique de gameplay que l’on retrouve dans Kirby et le pinceau arc en ciel qui comme son nom l’indique se présente comme une suite spirituelle de Kirby et le Pinceau du Pouvoir à défaut d’en être un remake. 

Comme d’habitude, tout commence tranquillement dans le monde enchanté de  Dream Land dont la quiétude est tout d’un coup mise à mal par un vilain-pas-beau. Ici, c’est la diabolique Glaizia (qui est en glaise, sans jeu de mot puisqu’elle est japonaise) qui aspire la vie et toutes les couleurs de Dream Land, figeant du même coup tous ses habitants. L’étrange sorcière,  dont on ne voit au départ que les mains, veut utiliser les couleurs de Dream Land pour en peinturlurer  son propre monde, Septopie (ça ne s’invente pas, c’est  marqué dans le mode d’emploi). Heureusement une jolie petite pincette- une fille pinceau quoi,  du nom de Eline réussit à échapper aux mains baladeuses de Glaizia pour redonner leurs couleurs à Kirby et Waddle Dee et leur demander de l’aide.  C’est ainsi que  nos deux héros, se rendent illico presto à Septopie en suivant un chemin arc en ciel tracé par Eline et que le jeu commence !

Dans Kirby et le Pinceau du Pouvoir, c’était une sorcière du nom de Crayona qui transformait Dream Land en tableau ce qui malgré le côté ridicule du nom, était plutôt raccord avec le gameplay qui exigeait de dessiner. D’ailleurs de nombreux niveaux étaient comme « crayonnés «  ou faisaient référence à des peintures célèbres.  Quant à Kirby, il était transformé en boule par la même sorcière, ce qui pour le coup n’était pas vraiment logique mais plus pratique que s’il avait été transformé en cube. Cela avait surtout l’avantage de justifier pourquoi Kirby se mettait tout d’un coup à rouler le long de lignes arc en ciel plutôt que de marcher dessus. Pour Kirby et le pinceau arc en ciel,  les développeurs ne se sont pas embarrassés d’explications et n’ont pas pris la peine de justifier ni le parti pris graphique, ni le gameplay, ni rien. Dans un Dream Land fait en pâte à modeler (et pourquoi pas),  Glaizia fait des siennes,  Eline trace des cordes arc en ciel, et Kirby se met en boule pour rouler dessus. Point. Une fois ce postulat de départ exposé et accepté, le jeu peut commencer.

Le pinceau à la corde

Si vous avez déjà joué à Kirby et le Pinceau du Pouvoir, vous retrouverez vite vos marques puisque c’est la même chose, en beaucoup plus simple… Pour les autres, pas de panique : quelques secondes de jeu suffiront pour en saisir le principe et les principaux mécanismes. Le titre est une nouvelle fois entièrement tactile.  On ne dirige pas directement Kirby mais on lui trace des chemins au stylet.  Pour le faire avancer,  il suffit de dessiner une ligne (nommée ici "corde arc en ciel"), juste en dessous de lui dans la direction dans laquelle on veut qu’il aille et automatiquement il commence à rouler.  Pour le faire aller plus vite et lui donner une impulsion, il suffit de le toucher au stylet pour enclencher son turbo, indispensable pour casser un obstacle ou frapper un ennemi .  Pour l’arrêter ou lui faire faire demi-tour, on le bloque en traçant une ligne verticale.  Et lorsque l’on veut effacer une ligne malencontreusement dessinée, on la raye d’un simple trait. Comme dans le jeu précédent, pour corser un peu l'affaire, l’encre est limitée par une réserve qui se vide au fur et à mesure que l’on trace une ligne et qui se remplit automatiquement (et lentement) à chaque pause.  Il faut donc toujours veiller à ne pas tracer trop de lignes, trop vite, pour éviter de se retrouver à sec dans des moments délicats.

Une fois que les règles ont été édictées, elles sont assimilées assez rapidement surtout que le jeu ne s’en éloigne jamais. Contrairement à Kirby et le Pinceau du Pouvoir,  il y a peu d’interaction au stylet avec le décor et même aucune avec les ennemis. Dans cet épisode Wii U, c’est Kirby qui attaque les ennemis et casse les obstacles et non le joueur. Il est donc impossible d’utiliser son stylet pour immobiliser une plateforme, neutraliser un ennemi, actionner un mécanisme ou encore ouvrir un passage en tapotant sur un obstacle quelconque.  Il faut toujours s’arranger pour que ce soit Kirby qui le fasse et le rôle du joueur se borne à tracer des chemins et actionner le turbo de Kirby au bon moment.

Il faut d’ailleurs noter que cette fois-cii Kirby ne peut s’accaparer aucun pouvoir comme cela était possible dans le Pinceau du Pouvoir, en percutant certains ennemis.  C’est d'ailleurs dommage car sur NDS  cela renvoyait  non seulement à la nature même du personnage mais surtout cela dynamisait et diversifiait le gameplay puisque en fonction des ennemis rencontrés, Kirby pouvait se transformer en ballon de baudruche, en pierre, en encore en Kirby électrique, etc…  Les possibilités étaient nombreuses et les niveaux étaient construits en conséquence, certains endroits « secrets » n’étant accessibles qu’avec un Kirby particulier.

Dans Kirby et le pinceau arc en ciel, les développeurs ont clairement fait le choix de limiter et de construire tout le gameplay du jeu autour des lignes à tracer sur l’écran tactile.  Plutôt que d’ajouter des éléments supplémentaires et de disperser le gameplay, ils ont préféré se concentrer uniquement sur les lignes à dessiner. Et pour assurer malgré tout une diversité au gameplay et éviter la monotonie,  ils ont construit des niveaux très différents les uns des autres et multiplier les situations afin de varier l’utilisation des lignes et la façon de les tracer. Par exemple,  dans différents niveaux, certains endroits sont obstrués par de l’argile à enlever comme  on gommerait un dessin ; dans d’autres, en parallèle à Kirby, il faut déplacer une boule de fer dans le but d’actionner des mécanismes, toujours en traçant des lignes.   Il y a aussi des niveaux sous l’eau dans lesquels il faut dessiner des lignes au-dessus et non plus en dessous de Kirby, pour le faire progresser dans les profondeurs, et l’empêcher de remonter à la surface. Chaque niveau réserve ses petites surprises et  ses subtilités de façon à ce que le jeu ne se limite pas simplement à tracer toujours les mêmes lignes, de la même façon.  

D’ailleurs si Kirby ne récupère pas les pouvoirs de ses ennemis et qu’il reste toujours le même  dans la majorité des niveaux, dans certaines parties il est  contraint de prendre la forme de véhicules. Il y en a trois en tout et chacun apporte sa petite subtilité de gameplay notamment en Tank ou Kirby avance automatiquement et vise les ennemis que le joueur lui indique au stylet. A l’arrivée, les niveaux sont variés tant dans leur ambiance que dans leurs mécanismes, et leur level design est très réussi.  Il y en a trois seulement par monde plus un autre réservé au boss mais ils sont plutôt longs. Ils sont d’ailleurs découpés  en plusieurs parties,  ce qui permet de ne pas forcément les recommencer depuis le début en cas de soucis mais aussi parce que dans un même niveau plusieurs mécaniques différentes peuvent être à l’oeuvre. Plutôt linéaires de prime abord, les niveaux, sans être tentaculaires, renferment toujours des parcelles et des chemins secondaires, à réserver aux téméraires qui chercheront les  100%. Il y a par exemple généralement cinq coffres à trouver qui permettent de débloquer des figurines à collectionner et d’autres bonus.  Il y a aussi des étoiles à ramasser qui au bout de cent donnent à Kirby la possibilité d’utiliser un maxi-turbo (indispensable dans certains cas) que le joueur enclenche en gardant le stylet   appuyer sur Kirby quelques pico-secondes et lui permet de défoncer des obstacles ou des  ennemis invincibles sinon. A la fin de chaque niveau, il y a aussi une roue qui permet de gagner  des vies ou des étoiles, ou mieux une page du journal secret d’Eline que certains s'amuseront (peut-être) à reconstituer en entier.

La bonne pâte à modeler

Côté réalisation, le jeu, comme réalisé en pâte à modeler, est tout simplement somptueux surtout en Haute Définition qui permet de mieux apprécier tous les détails, les reliefs et les différences de textures. Dommage que le gameplay du jeu exige que l’on passe tout son temps à regarder l’écran du GamePad  (qui rappelons-le n’est pas en HD) rendant celui de la télé,  inutile à moins de jouer à plusieurs.

C’est d’ailleurs  l’une des particularités du jeu par rapport à l’opus NDS. Il est possible d’y jouer à quatre. Concrètement, comme il n’y a qu’un GamePad, le premier joueur  joue de la même façon qu’en solo, en ne dirigeant pas directement Kirby mais en traçant des lignes sur l’écran tactile pour le guider. Par contre, les trois autres joueurs jouent de « façon classique » c’est-à-dire à la manette (wiimote ou Pad Pro) en dirigeant Waddle Dee qui se décline en plusieurs couleurs. Contrairement à Kirby qui  s’est mis en boule,  les Waddle Dee marchent, sautent et attaquent avec leur lance. Ils peuvent aussi suivre les cordes (comme s’ils roulaient dessus) en appuyant deux fois très rapidement sur le côté droit de la croix de direction. Alors pour être honnête, on sent bien que ce mode tient avant tout du cahier des charges et que les niveaux n’ont pas été conçus à la base pour le multijoueur, contrairement, par exemple, à un jeu comme New Super Mario Bros. U dont chaque niveau a été pensé aussi bien pour le solo que pour le multi.  Il y a d’ailleurs certains passages qui ne pourront pas être pratiqué à plusieurs et d’autres ou les Waddle Dee auront bien du mal à suivre le mouvement.  On remarque aussi que si finalement on peut jouer à quatre (mais bizarrement pas à cinq) il est probable  qu’au départ, les développeurs pensait plutôt implémenter un mode deux joueurs à la façon de Kirby : au fil de l’aventure  ce qui expliquerait pourquoi il n’y a que Waddle Dee qui accompagne Kirby dans ses aventures, et pas d’autres personnages.

A l’arrivée, à condition que le maître du stylet (celui qui dessine les cordes) assure et joue le jeu, les parties en multijoueur peuvent être très amusantes et originales même si elles sont souvent brouillonnes, et ont tendance à simplifier la tâche et même parfois, limite, à dénaturer le gameplay  (notamment lorsque les Waddle Dee s’abattent en masse sur un pauvre boss et l’explosent en moins de deux).

En solo, de toute façon, le jeu n’est franchement pas très difficile même si le challenge reste toujours très stimulant. On est très loin d ‘un « die and retry » et dans le pinceau arc en ciel, il n’y a quasiment pas de frustration (si ce n’est pour les autres joueurs lorsque l’on joue à plusieurs). D’ailleurs si, comme écrit plus haut, Kirby pourra rencontrer quelques difficultés durant certains passages exigeant par exemple une commande précise à un moment particulier, en cas de quatre échecs consécutifs, le jeu vous demandera si vous désirez passer directement à l’étape suivante.  Une proposition que, naturellement, tout gamer qui se respecte déclinera poliment,  surtout qu’ avec un peu de persévérance (d’astuce et d’espièglerie), les obstacles seront toujours assez rapidement surmontés et le game over infamant facilement évité. Au pire, on pourra toujours utiliser les amiibo pour avoir un peu d’aide dans certains niveaux même si, honnêtement, on s'en passera aussi très bien.

Amiibo c’est pas beau la vie

A ce propos, sachez qu’il n’y a que trois amiibo qui sont compatibles avec le jeu : Kirby, Dadidou et Meta Knight et chacun apporte un bonus différent.  l’amiibo Kiby  donne un turbo étoile permanent, l’amiibo Dadidou augmente la jauge de vie de Kirby et l’amiibo Meta Knight booste le turbo étoile… Chaque amiibo n’est utilisable qu’une fois par jour et  son effet n’est valable que dans un seul niveau. Quand on pense que dans l’épisode  DS, à terme on pouvait jouer avec différents personnages en forme de boule (le roi Dadidou ou Waddle Dee par exemple) ayant chacun leurs particularités, on se dit que l’utilisation des amiibo aurait pu être plus pertinente et audacieuse, et qu’elle tient probablement, elle aussi plus du cahier des charges que d'une réelle volonté d'apporter un plus au jeu.

Kirby et le pinceau arc en ciel est un jeu qui se terminera assez rapidement surtout pour les habitués qui après avoir défait le boss final  pourront (et c’était le cas de votre serviteur) avoir découvert près de 80% du jeu sans trop d'efforts. Le jeu ne renfermant pas de « game + » ni de monde ou de niveau secret, ceux qui voudront continuer à jouer pour découvrir les 20% restant, devront tenter de trouver toutes les portes secrètes menant aux salles défis (pour pouvoir les refaire après tranquillement) mais aussi récupérer les coffres restants dans chaque monde (certains étant très bien cachés) que ce soit pour compléter la collection de figurines 3D de la galerie, ou mieux pour  garnir le Juke Box. C’est d’ailleurs un super bonus qui devrait ravir les fans puisqu’il n’y a pas moins de 122 morceaux de musique à trouver, certains provenant du jeu bien entendu mais aussi d’autres épisodes de Kirby ! Vous pourrez ainsi trouver dans les niveaux et ensuite écouter des morceaux mémorables de Kirby Mass Attack, de Kirby Air Ride  ou encore de Kirby’s Adventures.  Les  jeux Kirby ayant généralement de très belles bandes originales, c’est un vrai plaisir de réecouter ces morceaux. D’ailleurs, Kirby et le pinceau arc en ciel ne déroge pas à la règle avec un score très éclectique et enchanteur proposant des morceaux variés et des mélodies aussi belles que surprenantes avec des orchestrations très travaillées.

CONCLUSION

Kirby et le pinceau arc en ciel est une friandise typique des productions Nintendo dont la forme et le fond sont quasiment irréprochables. Bénéficiant d’une très belle réalisation, de très beaux graphismes et d’une ambiance sonore de haute volée, le jeu saura stimuler les petites cellules grises des joueurs à travers une série de niveaux variés, tous plus différents et surprenants les uns des autres, conçus comme des casse-tête à résoudre au stylet. Pour autant, on regrettera que le titre ne soit finalement pas aussi riche, abouti et profond que son aîné, Kirby et le Pinceau du Pouvoir sur NDS, que sa durée de vie soit un peu courte et que son principe de base oblige à ne jouer qu’avec le GamePad, ne permettant pas de profiter des graphismes en Haute Définition, ce qui amoindrit considérablement son impact visuel. Et si le jeu à plusieurs permet d'allumer sa télé et que l’option est toujours appréciable (si ce n’est indispensable) il apparait vite évident que le titre n’a pas été conçu pour le multi et d’ailleurs, pour pleinement apprécier les mécanismes du jeu, il sera d’abord préférable de jouer seul.

Retrouvez d'autres vidéos de Kirby et le pinceau arc en ciel sur notre page spéciale