Nintendo Switch

Les développeurs ont la parole, The Legend of Zelda : Tears of the Kingdom Partie 1 et 2 - Découvrez notre traduction de l'entretien autour du jeu

Par babidu - Le 12/05/2023 à 06:00

Disponible en anglais et en japonais sur les liens ci-après (Anglais et Japonais) le neuvième numéro de "Les Développeurs ont la parole", le format interview de Nintendo dans lequel les développeurs reviennent sur la création de leurs titres, s'attarde longuement sur l'imminent et très attendu The Legend of Zelda : Tears of the Kingdom. N'ayant nullement envie de patienter plusieurs jours, voirs semaines, en attendant la traduction officielle des deux premières parties de cet entretien, nous vous proposons sans plus attendre notre propre traduction de ce neuvième numéro : 

Dans ce neuvième volume de Ask the Developer, une série d'interviews dans laquelle les
développeurs Nintendo transmettent avec leurs propres mots les réflexions de Nintendo sur la création de produits et les points spécifiques sur lesquels ils sont particuliers, nous nous entretenons avec les développeurs à l'origine de Legend of Zelda : Tears of the Kingdom pour la console Nintendo Switch, qui sera lancé le vendredi 12 mai.

Partie 1 : Ce qu'il faut changer et ce qu'il faut garder


Tout d'abord, puis-je vous demander de vous présenter brièvement ?

Eiji Aonuma (ci-après dénommé Aonuma) : Bonjour, je suis Eiji Aonuma, le producteur de la série The Legend of Zelda. Mon premier rôle dans la série a été de concevoir les donjons de The Legend of Zelda : Ocarina of Time. J'ai été directeur et producteur de The Legend of Zelda : Twilight Princess, et je suis le producteur de la série depuis lors.

Hidemaro Fujibayashi (ci-après dénommé Fujibayashi) : Bonjour, je suis Hidemaro Fujibayashi, le réalisateur de The Legend of Zelda : Tears of the Kingdom. Dans la continuité de The Legend of Zelda : Skyward Sword et du jeu précédent, The Legend of Zelda : Breath of the Wild, j'ai proposé l'idée de base du jeu et dirigé toute l'équipe de production.

Takuhiro Dohta (appelé Dohta à partir de maintenant) : Bonjour, je suis Takuhiro Dohta, le directeur technique de ce jeu. J'ai participé à la série Legend of Zelda sur différents titres, mais avec The Legend of Zelda : Breath of the Wild, c'était la première fois que je travaillais sur un jeu Legend of Zelda depuis le début. Dans ce titre également, j'étais responsable de la direction technique générale du jeu.

Satoru Takizawa (ci-après dénommé Takizawa) : Bonjour, je suis Satoru Takizawa, le directeur artistique de ce jeu. J'ai rejoint la série pour la première fois avec The Legend of Zelda : Ocarina of Time, et depuis, je me suis occupé des graphismes et de la conception de titres tels que The Legend of Zelda : The Wind Waker et The Legend of Zelda : Twilight Princess. J'ai coordonné les visuels depuis The Legend de Zelda : Breath of the Wild.

Hajime Wakai (ci-après dénommé Wakai) : Bonjour, je suis Hajime Wakai, le directeur du son. J'ai participé pour la première fois à la série en composant la musique de The Legend of Zelda : The Wind Waker. Je suis directeur du son pour la série depuis The Legend of Zelda : Skyward Sword.

Je vous remercie. Beaucoup connaissent peut-être déjà cette saga, mais, Aonuma-san, pourriez-vous nous présenter brièvement la série Legend of Zelda ?

Aonuma : Bien sûr ! La série The Legend of Zelda se déroule dans le royaume d'Hyrule, où réside le pouvoir sacré des déesses. Il s'agit d'une série mêlant action et résolution d'énigmes, dans laquelle le protagoniste Link, l'avatar du joueur, se bat contre Ganondorf et d'autres personnes qui tentent d'obtenir ce pouvoir. Dans de nombreux jeux, Link doit également aider la princesse Zelda, qui est destinée à être dotée du pouvoir sacré des déesses. Ce titre, The Legend of Zelda : Tears of the Kingdom, est la suite directe de The Legend of Zelda : Breath of the Wild, sorti en 2017.
Une fois de plus, le jeu se déroule dans les vastes terres d'Hyrule, après la conclusion du jeu précédent.

Ce titre reprend donc après les événements de The Legend of Zelda : Breath of the Wild.

Aonuma : Oui, ce titre se déroule à Hyrule peu après la fin du jeu précédent. Il y a beaucoup de raisons pour lesquelles nous avons choisi ce cadre. Après avoir terminé le développement du titre précédent, nous nous sommes demandé si nous pouvions permettre aux joueurs de continuer à explorer le monde après avoir atteint la fin du jeu.

La série The Legend of Zelda  semble être l'une de ces franchises où le style visuel et les mécanismes de jeu changent souvent de façon radicale à chaque édition. Avez-vous envisagé de créer un nouveau jeu avec un monde entièrement nouveau, plutôt qu'une suite ?

Aonuma : Non, pas vraiment. Bien que le titre précédent, The Legend of Zelda : Breath of the Wild, ait sa propre conclusion, nous avons commencé à proposer de nouvelles idées que nous voulions concrétiser dans cette version déjà réalisée d'Hyrule, nous avons toujours envisagé cette suite de la même façon tout au long de son développement.

Fujibayashi : À l'instar d'un endroit que vous connaissez sur le bout des doigts, nous savons où tout se trouve dans Hyrule depuis The Legend of Zelda : Breath of the Wild, et nous pensions donc qu'il était possible de créer un nouveau gameplay pour redécouvrir ce monde. C'est pourquoi, dans les premiers documents de développement, nous avons clairement indiqué la fait que "le décor qui ne change pas dans cette suite" était un concept important.
Même lorsque j'en ai fait part aux membres de l'équipe ici présents, il n'y a eu aucune objection, et nous étions tous d'accord sur cette idée à partir de ce moment-là.

Dohta : Lorsque je travaillais sur la programmation de Wuhu Island pendant le développement de Wii Sports Resort, je me suis souvenu que Miyamoto-san avait dit qu'il voulait "transformer les niveaux des jeux en personnages". Ce qu'il voulait dire par là, c'est qu'il fallait créer une île et l'utiliser comme base pour ajouter différents types de gameplay dans différents jeux. L'idée de faire de nouvelles découvertes dans le même cadre m'a frappé. J'avais envie d'essayer cette idée avec d'autres titres, et je supposais que ce jeu tirerait parti de ce type d'approche.

Je vois. La décision de créer une suite dans le même cadre était donc délibérée.

Dohta : En revanche, nous avons apporté des changements assez importants au gameplay. Dans The Legend of Zelda : Skyward Sword, si les joueurs voulaient passer du ciel au sol, ils devaient le sélectionner sur la carte, mais dans ce jeu, vous pouvez plonger du ciel directement au sol sans aucune interruption.
En outre, les joueurs peuvent également monter à bord de véhicules volants et ainsi de suite, offrant encore plus de liberté dans le même cadre que le jeu précédent. Si l'endroit vous était totalement inconnu, vous hésiteriez probablement à descendre du ciel, mais comme il s'agit d'un monde que vous avez déjà exploré dans le jeu précédent, ces moyens de transport prennent tout leur sens.
Pouvoir plonger du ciel à la surface et dans un étang sans interruption dans ce titre est vraiment exaltant. Cette fois, on a vraiment l'impression d'être dans un jeu à ciel ouvert.

Dohta : L'ajout de la possibilité de plonger depuis le ciel est également dû en partie à la persévérance d'Aonuma -san et de Fujibayashi- san, n'est-ce pas ? (Rires)

Fujibayashi : Oui. Je voulais que cela se produise depuis The Legend of Zelda : Skyward Sword.
Je me suis dit qu'il serait très agréable de plonger du ciel et de sauter directement dans l'eau. Dans ce titre, la plongée n'est pas seulement un moyen de transport exaltant et sans temps de chargement, c'est aussi un outil qui permet de recueillir des informations sur la surface en l'observant d'en haut.

C'est vrai. Ce n'est pas seulement une façon satisfaisante de voyager. (Rires) Vous dites donc que le fait de pouvoir contempler Hyrule d'en haut et de descendre du ciel élargit encore la portée du jeu, n'est-ce pas ?

Aonuma : C'est exact. Mais lorsque nous parlons de ces choses, beaucoup peuvent penser : " Vous ne pourrez pas apprécier ce jeu si vous n'avez pas déjà joué au jeu précédent et si vous n'êtes pas familier avec le décor. " Mais les nouvelles idées de gameplay que nous avons intégrées à ce titre sont toutes des choses qui peuvent être résolues intuitivement, donc je pense que les joueurs débutants peuvent être assurés que ce jeu est facile à prendre en main.

Fujibayashi : Il en va de même pour l'histoire. Nous nous sommes efforcés de faire en sorte qu'elle soit agréable à suivre pour les joueurs débutants comme pour ceux qui ont déjà joué au jeu précédent. Par exemple, nous avons préparé un profil de personnage que les joueurs peuvent consulter à tout moment au cours de leur partie. Il est donc facile de comprendre les relations entre les personnages, même si l'on ne connaît pas le titre précédent. D'un autre côté, ceux qui ont joué au jeu précédent apprécieront peut-être de lire ces profils, car certains contenus vous feront sourire et penser "C'est vrai, je me souviens de ça".

Comme il s'agit d'une suite, The Legend of Zelda : Breath of the Wild est la base, mais je vois qu'il y a aussi diverses considérations pour les nouveaux joueurs. Au fait, si vous utilisez le même monde, ne devez-vous pas faire des efforts pour créer des différences dans les graphismes et le son ?

Takizawa : J'ai bien senti qu'il était plus difficile d'intégrer quelque chose de nouveau dans le même monde que de créer quelque chose à partir de zéro. Bien qu'il s'agisse du même monde, nous voulons nous assurer que les joueurs le découvrent avec un nouveau sentiment d'émerveillement. Pour y parvenir, nous avons dû prendre un monde composé à l'origine de choses que nous avions conçues pour s'y adapter parfaitement, puis y ajouter une nouvelle couche de surprises, conçues d'un point de vue différent. Et nous avons dû le faire sans effacer le monde familier. Même si nous nous sommes creusé la tête pour mettre tout cela ensemble ! (Rires) Bien sûr, du point de vue de l'équipe de développement, il est certainement plus amusant de trouver des idées pour créer de nouvelles surprises, mais le processus de développement n'a pas été de tout repos.

Wakai : Pour la musique du jeu, nous avons rompu avec les conventions de la série dans le jeu précédent et utilisé principalement des sons de piano. Bien que ce titre suive la même direction musicale, nous avons cherché à créer un sentiment de fraîcheur pour cette suite. Les effets sonores sont générés par un tout nouveau système, différent de celui du jeu précédent, de sorte que même si le même son est utilisé, il est beaucoup plus réaliste dans ce jeu. Par exemple, dans The Legend of Zelda : Breath of the Wild, nous avons essayé de rendre réalistes les sons de l'environnement proche, comme les cris des oiseaux. Cependant, avec ce titre, l'expressivité de ces sons s'est améliorée au point que les joueurs entendent un cri d'oiseau de loin et perçoivent la distance de manière plus réaliste.

Ainsi, pour chaque élément dont vous étiez responsable, vous avez relevé de nouveaux défis tout en travaillant avec le titre précédent comme cadre.

Fujibayashi : Ce qu'il faut changer et ce qu'il faut garder. Nous avons consacré beaucoup d'énergie à cette question. 

Partie 2 : Lier les mains

Passons maintenant aux choses qui ont changé par rapport au jeu précédent. À ce propos, j'ai tout de suite remarqué que Link avait l'air un peu différent dans ce titre, n'est-ce pas ?

Aonuma : Oui, son bras droit. Nous voulions une caractéristique emblématique qui rendrait évident au premier coup d'œil qu'il s'agit du Link de ce jeu et plus du précedent. En parlant du bras de Link, les " mains " sont un thème majeur de ce titre.

Les "mains" ? Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?

Fujibayashi : Les titres de la série Legend of Zelda entremêlent tous les éléments du gameplay, des mécanismes et de l'histoire, et les combinent en un seul jeu. Pour ce titre, nous avons choisi les "mains" comme thème principal pour les réunir tous. Par exemple, les capacités que Link utilise pour résoudre les énigmes sont toutes libérées par sa main et son bras. Nous avons même intégré ce thème de manière symbolique dans les mécanismes du jeu, par exemple dans les scènes où l'on utilise les mains pour ouvrir des portes spéciales. Ce thème des "mains" revient également ici et là en tant qu'élément clé au fur et à mesure que l'histoire se développe.

Dohta : Le jeu précédent était un jeu relativement solitaire, ou plutôt un jeu d'endurance où l'on utilisait pleinement le corps et la force de Link pour parcourir le vaste monde. Ce qui est unique cette fois-ci, c'est le fait de collaborer avec différents personnages et, parfois, de créer des objets avec les mains de Link et de les utiliser au fur et à mesure que l'on progresse.

Takizawa : Nous avons voulu que le thème des mains transparaisse dans les graphismes et dans l'histoire. Si vous regardez les bandes-annonces que nous avons publiées jusqu'à présent, je pense que vous pourrez vous faire une idée de cette atmosphère.

Wakai : Nous avons également exprimé le thème des " mains " en intégrant des clappements de mains et d'autres éléments dans la musique du jeu.

Aonuma : Eh bien, pour faire simple, les " mains " expriment l'idée de " connexion ". Cela s'applique également à l'histoire, qui renvoie au passé d'Hyrule. Elle parle également d'un combat majeur appelé "La Guerre du Sceau", qui était jusqu'à présent considéré comme un mythe, même à Hyrule.

Fujibayashi : Et le nom du protagoniste est " Link " après tout. [Ndlr : Link veut dire Lien en anglais]

Aonuma : Oh... Je viens de comprendre le lien... (Rires)

Tout le monde rigole.

Aonuma : C'est drôle de voir comment les choses se passent, n'est-ce pas ? Vous ne remarquez pas ces choses lorsque vous développez le jeu. Mais une fois le jeu terminé, on s'aperçoit que toutes sortes de choses étaient en fait liées. On se rend compte que c'est ce qu'on était en train de faire...".

Il y a donc certaines choses fondamentales que vous n'avez pas changé parce qu'il s'agit d'une suite, et il vous fallait donc alors créer quelque chose de nouveau à l'intérieur de ces limites existantes. Ça a l'air d'être un vrai défi.

Aonuma : Nous fixons nous-mêmes ces limites, mais de nouveaux éléments de jeu naissent lorsque nous les franchissons. Nous avons donc " brisé les limites ".

Takizawa : " Briser les limites ". C'est une bonne expression !

Aonuma : Il s'est avéré que beaucoup de ces limites étaient plutôt robustes. (Rires)

Tout le monde rigole.

Takizawa : D'un autre côté, le son a conservé juste ce qu'il faut de similitudes avec le titre précédent pour que l'on ait l'impression de vivre une aventure dans le même monde.

Wakai : Exactement. Nous avions l'intention de conserver les sons emblématiques du titre précédent, comme les sons émis lorsque vous obtenez un objet ou résolvez une énigme.

Aonuma : Briser les frontières ne signifie pas pour autant que vous pouvez détruire tout ce que vous voulez. Ces limites vous permettent de vous sentir à l'aise pour prendre des risques ailleurs.

Quels que soient les changements apportés au reste du jeu, lorsque vous entendrez ces sons, vous penserez : " Oh, c'est un jeu Legend of Zelda ", n'est-ce pas ?

Aonuma : Cela me rappelle que l'expression" déjà vu " est apparu à de nombreuses reprises pendant le développement. Nous étions censés faire quelque chose de différent, mais les différents éléments que nous avons créés donnaient une impression similaire à ce que nous avions fait auparavant. Mais au fur et à mesure que le développement avançait, nous regardions le jeu dans son ensemble et découvrions parfois que ces choses prenaient soudain une forme différente en raison des nouveaux éléments que nous avions ajoutés. Jusque-là, nous nous efforcions de changer les choses, mais à un moment donné, nous avons réalisé que certaines d'entre elles étaient déjà telles qu'elles devaient être.

Il y avait donc une approche qui consistait à apporter des changements pour supprimer cette impression de "déjà vu". Et il y avait une autre approche qui consistait à garder les choses en l'état parce que c'est ainsi qu'elles devaient être. Tous les membres de l'équipe de développement étaient-ils d'accord dès le départ sur ces deux approches ?

Fujibayashi : Pas du tout. Il y a eu de nombreux cas, même plus tard dans le développement, où nous avons eu du mal à différencier les deux. C'était un processus constant et difficile où l'équipe de développement et nous-mêmes avons continué à réfléchir et à discuter jusqu'à ce que nous parvenions tous à un accord.

Takizawa : Nous avons souvent ressenti une forte impression de déjà-vu, en particulier dans les premières phases, et nous avons pensé qu'il était impératif de transformer les sensations du jeu autant que possible. Nous avons travaillé dur avec cette idée en tête, mais une fois arrivés à un certain stade du développement, nous avons pu identifier les zones qui perdraient de leur attrait si nous les changions.

Fujibayashi : Nous avons commencé à penser positivement en appelant ce que nous avions décidé de ne pas changer "la grande banalité". (Rires)

Takizawa : À la fin, la définition de cette " grande banalité " est devenue claire, si bien que même si un membre de l'équipe nous faisait part d'une impression de déjà-vu, nous nous sentions plus à l'aise pour lui demander de garder intentionnellement quelque chose inchangé.

Je suppose que c'est comme lorsqu'un sens des valeurs qui n'est pas partagé par tout le monde finit par se mettre en place à force d'essais et d'erreurs.

Aonuma : Le développement d'un jeu vidéo est toujours comme ça. Lorsque les différentes pièces s'assemblent et que les choses se mettent en place, il y a un moment où " C'est bien... " devient " C'est ça ! ".

Source : Nintendo