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[Interview] Takumi Naramura, directeur du studio NIGORO

Par speedwagon - Le 08/02/2014 à 13:56


 

Considéré comme l'un des meilleurs titres sortis sur WiiWare, l'excellent La-Mulana aura bientôt droit à une nouvelle itération. C'est suite au lancement de la campagne KickStarter de La-Mulana 2 que Takumi Naramura nous a accordé une interview, par l'intermédiaire de Nayan Ramachandran​, Marketing Manager chez PLAYISM, que nous remercions. Au programme : des informations sur le jeu vidéo indépendant au Japon mais aussi et surtout sur la série La-Mulana et le studio NIGORO, qui en est à l'origine.




 

Nintendo-Master : Tout d'abord, pourriez-vous vous présenter ainsi que votre studio ?

Takumi Naramura : Je m'appelle Takumi Naramura et je suis directeur du studio NIGORO. J'ai aussi travaillé sur les graphismes, la musique et le level-design de nos jeux.
Notre équipe a débuté lorsque nous avons commencé à faire des jeux durant nos années en tant qu'amateurs.
Nous avons commencé à vendre des jeux en 2007, déjà sous le nom de NIGORO.

 

Nintendo-Master : Avant d'être sorti sur PC, le remake de La-Mulana est sorti sur WiiWare. En dépit du manque de popularité et d'accessibilité du service pour les développeurs indépendants, comment le jeu a-t-il été reçu ?

Takumi Naramura : Il est vrai que le jeu n'était pas adapté aux usagers de la Wii à l'époque. Cela a pris tellement de temps pour finir le jeu que le WiiWare n'était plus populaire une fois la sortie du titre.
Nos fans de l'époque avant que nous travaillons sous le nom de NIGORO l'ont cependant apprécié, et avec les vidéos de joueurs qui ont suivi, la popularité du titre a augmenté.
Il est vrai que le store en ligne de Nintendo n'était pas au niveau de nos attentes, mais à l'époque, c'était le seul service sur lequel nous pouvions mettre le jeu à disposition.

 

Nintendo-Master : Bien que le service WiiWare fut dépassé et assez peu indie-friendly, le service eShop a fait de très gros progrès, parmi lesquels l'auto-édition pour les indépendants et la disparitions de certaines contraintes inhérentes au WiiWare, du moins en Occident. Quel est votre avis à ce sujet ?

Takumi Naramura : L'interface est bien supérieure à celle du WiiWare. Le service est plus facile d'accès. Nous sommes en ce moment concentrés sur le développement sur PC, car il est plus facile de porter les jeux vers des architectures similaires.
Cependant, les architectures plus atypiques telles que celle de la Wii U ou de la 3DS deviennent moins accessibles. Nous voulons être présents sur les services en ligne de Nintendo, mais cela semble un peu plus compliqué.



 

Nintendo-Master : Bien qu'en Occident, les services en ligne tels que l'eShop ou le PSN sont plus faciles d'accès pour les indépendants, il semblerait que les développeurs indépendants japonais font face à certaines limites, telle que l'impossibilité d'éditer eux-mêmes leurs jeux. Pourquoi pensez-vous que de telles limites sont appliquées au Japon ?

Takumi Naramura : Je pense que le problème est qu'au Japon les jeux indépendants ne sont pas aussi populaires qu'en Occident. Aucun développeur japonais indépendant n'a créé de jeux populaires comme Minecraft, donc les compagnies n'y accordent pas autant d'intérêt.
C'est mon point de vue personnel, mais en Occident, l'opinion de chacun compte, tandis qu'au Japon, il s'agit plus de ne pas secouer les gens. Plutôt que de parier sur les chances d'un petit groupe de vendre ou ne pas vendre, les compagnies préfèrent parier sur des valeurs sûres.
En dépit de cela, vous avez des jeux tels que Journey qui ont gagné des récompenses aux côtés de jeux AAA. Mais l'industrie du jeu vidéo au Japon a aussi changé. Dernièrement, j'étais en pourparlers afin d'obtenir des contrats pour des portages vers d'autres consoles.

 

Nintendo-Master : En tant que fan du premier jeu, j'ai vraiment passé d'excellents moments sur le jeu, mais j'ai aussi eu quelques moments de réflexion, notamment sur le fait qu'un deuxième écran serait très utile, pour prendre des notes ou pour afficher la map... Et maintenant, Nintendo a deux consoles avec deux écrans... venons-en au but, quelles sont les chances de voir La-Mulana 2, ou même La-Mulana, sur 3DS et Wii U ?

Takumi Naramura : Comme je l'ai mentionné plus tôt, nous sommes concentrés sur le développement PC, il est donc moins facile de porter le jeu sur Wii U et 3DS. Cependant, nous voulons que le plus grand nombre de personnes puisse profiter du jeu, ainsi, si nous en avons l'opportunité, il s'agit de consoles sur lesquelles nous aimerions travailler.
Aussi, la possibilité de prendre des notes permettrait de rendre le jeu plus proche d'une aventure archéologique. Ce serait amusant.

 

Nintendo-Master : Quand les gens parlent de La-Mulana, ces derniers s'y réfèrent comme un Dark Souls en 2D (même si je préfère, personnellement, me référer à Dark Souls comme un La-Mulana en 3D), pour sa difficulté. Beaucoup de gens ont apprécié, cependant, je sais que d'autres ont été frustrés par cette difficulté. Ainsi, allez-vous faire quelque chose pour les novices ? Par exemple, un mode Facile ?

Takumi Naramura : Il est vrai que La-Mulana est sorti avant Dark Souls ! Nous faisons nos jeux en espérant qu'ils seront amusants. Personnellement, j'aime les jeux dans lesquels il faut examiner et faire preuve d'attention. Si il s'agit d'un jeu disponible uniquement sur les plates-formes de téléchargement, il continuera à se vendre pendant des années, donc il n'est pas nécessaire de faire des ajustements vers ce qui est populaire. Ainsi, nous faisons des jeux en fonction de nos propres standards. La plupart du temps, lorsqu'un jeu est porté sur une console, un autre studio fait le travail, donc si ce studio inclut un mode Facile, j'aimerais voir ce que cela donnerait. Après avoir reçu des avis sur La-Mulana, quelques passages du jeu stressaient les joueurs. Je pense que je vais donc continuer à étudier ces passages pour que la difficulté ne génère pas de frustration.

 

Nintendo-Master : Mais il y avait aussi des joueurs qui ont, bien au contraire, apprécié la difficulté du jeu. Par exemple, j'ai été très surpris par ce piège qui s'activait lorsqu'on lisait une tablette interdite, avec une inscription qui incitait à ne pas relire cette tablette. Si le joueur la relisait, cela activait le mode Difficile. Le fait que le jeu recréait ce sentiment de danger dans des ruines, à la Indiana Jones, m'a beaucoup plu. Ainsi, pouvons-nous attendre de La-Mulana 2 de proposer des pièges encore plus vicieux ?

Takumi Naramura : Bien entendu ! Il s'agit de l'attrait principal de La-Mulana. Cependant, il y avait parfois des indices trop compliqués à comprendre ou des pièges trop difficiles à esquiver, des choses qui créent trop de frustrations et qui ont besoin d'être réajustées. Plutôt que d'être frustrés après avoir été piégés, les joueurs devraient penser quelque chose comme : « Mince ! J'ai été imprudent ! ». Afin de faire en sorte que cela se passe de cette façon, le jeu a besoin de fournir des indices concrets et des moyens d'échapper aux pièges. A force de jouer encore et encore, les joueurs perçoivent mieux le danger et deviennent de plus en plus prudents. C'est donc à ce moment que le meilleur arrive : lorsque même le plus prudent des aventuriers est pris au piège.
 


 

Nintendo-Master : Bien que La-Mulana ait été décrit comme un jeu old-school, le contenu du jeu était très conséquent. Quel niveau de contenu visez-vous pour La-Mulana 2 ?

Takumi Naramura : En sachant qu'il s'agit d'une suite, un contenu moindre agacerait les joueurs. Cependant, en augmentant le contenu, le temps de développement augmente lui aussi, et ce n'est pas parce qu'un jeu est long qu'il est amusant. Je pense que La-Mulana avait un bon équilibre entre le plaisir de jeu et la durée de vie. Je pense que le contenu de La-Mulana 2 sera équivalent à celui du premier, mais nous nous assurons que le jeu aura une bonne replay value.
Au Japon, les joueurs continuent de jouer à La-Mulana en utilisant divers moyens, et partagent leur expériences en postant des vidéos en ligne. Ainsi, ce genre de jeu a besoin de ce genre de joueurs pour donner envie à d'autres personnes d'y jouer. Il sera important pour La-Mulana 2 d'attirer ces joueurs afin qu'ils y rejouent encore et encore.

 

Nintendo-Master : Cette question est un peu plus personnelle, en tant que fan : pourquoi cette fixation autour du curry ? Le personnage principal, Lemeza a l'air d'apprécier ce plat, et il est mis en avant dans votre campagne KickStarter. Est-ce un plat que vous appréciez personnellement ?

Takumi Naramura : En Occident, je crois savoir que l'image du Ninja est celle de l'acteur Japonais Sho Kosugi (un acteur connu pour avoir souvent incarné des ninjas au cinéma) ? Et bien à l'époque du développement de La-Mulana, le fils de Sho Kosugi, Kane Kosugi, faisait une pub pour le curry au Japon. C'est la seule et unique raison.

 

Nintendo-Master : Dernière question, avez-vous un dernier mot pour nos lecteurs ?

Takumi Naramura : Afin de développer La-Mulana 2, nous avons choisi le financement par KickStarter. La possibilité pour nous de porter le jeu sur les plates-formes Nintendo dépendra de cette campagne KickStarter. C'est l'une des premières fois qu'un jeu indépendant japonais arrive sur KickStarter. Nous pensons que le succès de cette campagne est important pour d'autres développeurs japonais indépendant, afin qu'ils s'y mettent également.
Si vous êtes intéressés par La-Mulana 2 ou par les jeux indés japonais, accordez-nous votre soutien s'il vous plait. Nous avons pour but de surprendre ceux qui nous soutiendrons en créant un grand jeu qui amusera les joueurs pendant longtemps.

Voilà qui conclu cette longue interview ! Nous remercions bien évidemment messieurs Takumi Naramura et Nayan Ramachandran pour nous avoir accordé un peu de leur temps et pour avoir rendu cette interview possible. Quant à ceux qui seraient intéressé par La-Mulana 2, rendez-vous sur la page KickStarter du projet !