Nintendo Wii U

Devil's Third

Test Wii U

Devil's Third

Par rifraff - Le 29/08/2015 à 14:55

Devil’s Third est un titre maudit qui revient de très très loin mais qui risque (peut-etre) d’y retourner très très vite.  Commencé en 2008 sous l’égide de THQ, Devil’s Third était initialement prévu sur PS3 et Xbox 360. Premier titre  développé par  Tomonobu Itagaki (personnalité émérite que l’on retrouve aux génériques des Dead or Alive ou Ninja Gaiden) après son départ de la Team Ninja et la création de son propre studio Valhalla Games, Devil’s Third aurait dû rejoindre la longue liste des jeux annulés suite à faillite de THQ fin 2012. Mais c’était compter sans la volonté et la pugnacité de Tomonobu Itagaki,  qui, reprenant le projet à son compte, a décidé de le mener à son terme coûte que coûte, changeant son moteur pour l’Unreal Engine 3  et ses consoles hôtes pour la Wii U dont il en fait aujourd’hui une des exclusivités de cette année 2015. Ainsi, un an après la baffe monumentale de Bayonetta 2, la Wii U va-t-elle une nouvelle fois, accueillir un jeu d’action explosif et novateur comme le claironne Tomonobu Itagaki ? Ou le jeu, à défaut de jouer dans la cour des triples A va-t-il atterrir dans celle des séries B ? A moins que ce ne soit dans celle des séries Z ? Si, vous ne vous n’êtes pas déjà précipité sur la note en bas de test, c’est ce que nous allons découvrir ensemble.

 

Yvan, le pas Terrible ?

Devil’s Third est un jeu d ‘action hyper  violent qui propose deux modes distincts, solo et multi, accessibles dès le départ, indépendamment l’un de l’autre. Le mode solo raconte une histoire qui pourrait presque  être celle d’un  téléfilm impitchable de Sci-Fi, les requins volants en moins. Des terroristes sèment la pagaille en faisant exploser les satellites gravitant autour de la Terre perturbant ainsi grandement les  communications  et plongeant le monde dans le chaos. Pour rétablir la situation,  les autorités américaines font appel à Ivan, un gentilhomme russe couvert de tatouages qui coule des jours heureux à boire et à jouer de la batterie dans une des geôles souterraines de Guantanamo suite à sa condamnation pour terrorisme à 800 ans de prison. Spécialiste aussi bien dans les armes à feu que dans celles au corps à corps, Ivan est un maître assassin qui a aussi la particularité de connaître très bien les membres du groupe soupçonné d’être à l’origine du chaos ambiant puisque ce sont ses anciens partenaires qu’il va ainsi devoir retrouver et combattre un à un,  à la manière d’un film de Tarantino (à ne pas confondre avec un épisode de Navarro).

Un terroriste pour héros

Toujours torse nu,  couvert de tatouage, la démarche lourde et chaloupée,  n’hésitant pas à fumer et à boire à la moindre occasion (dès que le joueur lâche la manette) Ivan est  l’archétype même de l’anti-héros- il est d’ailleurs présenté comme un terroriste. Cependant, il ne faut pas s’attendre à un personnage complexe et torturé qui se dévoilerait au fil de l’aventure car même s’il y a un semblant d’histoire, Yvan, comme tous les autres personnages restent  toujours dans la caricature en concentrant les poncifs et les clichés sans jamais aller au-delà.  Cela à au moins l’avantage de replacer la violence du jeu dans son contexte de jeux vidéo, ce qui fatalement la rend plus « fun » et moins déplaisante mais qui fait qu’en contrepartie on ne s’attache jamais vraiment aux personnages- et que, même pire, on s’en moque (dans tous les sens du terme).  De toute façon, ne cherchez pas à suivre l’histoire vous n’y comprendrez rien avec des personnages qui parfois surgissent et qui repartent sans qu'on commprennent qui ils sont, d’autres qui n’en finissent plus de mourir : c’est vraiment n’importe quoi. Et le pire, c'est que ce n'est même pas parodique ! Ceux qui s'attendaient à un gros délire, seront fatalement déçus car malheureusement le ton est très sérieux.

Un gameplay hybride

Devil’s Third est un jeu sanglant dans lequel on tue dans de grandes gerbes de sang (qui disparaissent assez vite de l’écran) sans souci d’empathie ou de cohérence.  Le jeu est un condensé d’action non-stop jouant la carte de la surenchère et plaçant le héros dans différents environnements construits en couloirs et plus ou moins peuplés d’ennemis, un peu comme dans un jeu d’arcade L’idée de base du jeu, c’est de combiner deux sortes de gameplay dans un seul jeu,  celui des  FPS comme Call of Duty avec une vue à la première personne dès que Ivan utilise une arme à feu avec celui des jeux de combats comme Ninja Gaiden dès que Ivan utilise une arme tranchante et combat au corps à corps.  Dans les faits, les deux cohabitent plutôt bien et l’on passe de l’un à l’autre très aisément malgré parfois un temps de réponse problématique et une action pas toujours trépidante.  Mais il est clair que Tomonobu Itagaki a joué la sécurité en s’inspirant de la jouabilité des meilleurs jeux du genre ce qui fait que  le titre se prend en main très facilement.  En pratique, cependant, on aura tendance à utiliser plus facilement  les armes à feu qui la plupart du temps s’avèreront plus efficaces pour nettoyer une zone.  Conscient de cela, pour inciter les joueurs à varier  les plaisir et à utiliser les armes blanches (ou  les poings), les développeurs ont ajouté le principe de la jauge d’éveil qui se remplit à chaque fois que l’on frappe un ennemi et qui au bout d’un moment, enclenche un pouvoir spécial qui illumine le tatouage du héros et augmente sa force et ses capacités.  Sympa mais pas indispensable.

L'Enfer est pavé de mauvaises impressions

Pour diversifier le gameplay,  Devil’s Third dispose bien évidemment d’un arsenal assez conséquent (quoique là encore assez classique pour les jeux du genre)  avec de nombreux fusils, lance-grenades, mitraillettes, pistolets,  couteaux, haches ou encore marteaux, à tester  (chaque arme ayant ses qualités, ses spécificités, ses points faibles et ses points forts) et à acheter en boutique (pour le multi) ou à trouver, comme les munitions, dans le décor sachant qu’on ne peut garder avec soi que deux armes à feu différentes et une seule arme tranchante –qu’il est aussi possible de balancer à la tête de ses ennemis, en plus des grenades, pratiques pour faire sortir un ennemi de sa tanière.

En pratique,  le gameplay hybride de Devil’s Third fonctionne à défaut d’étonner et de détonner.  Il emprunte  autant à Call of Duty qu’à Ninja Gaiden ou encore aux derniers Batman, même s’il  est loin d’égaler la précision de ses modèles. Jouable au GamePad ou à la manette Wii U Pro,  Ivan se dirige sans encombre d’autant plus que plusieurs configurations sont possibles, pour changer les commandes, et décider ou non d’avoir une aide à la visée ou de se mettre automatiquement à couvert.  Sinon, chaque  niveau est découpé en mission plus ou moins courtes avec un objectif principal et de nombreux autres secondaires.  Une flèche et une cible désignent l’endroit où il faut se rendre,  et une fois lancé dans l’aventure, il n’y a plus qu’à suivre le mouvement.  Si la plupart du temps les missions se résument à aller d’un point a à un point B en liquidant tout ce qu’il y a entre, le jeu tente de varier un peu les plaisirs avec des séquences de tir, de courses, des passages en « bullet-time » ou encore des mécanismes à actionner, des balades en avion, etc.

Le jeu n’est pas franchement difficile dans sa difficulté de base même si un seul coup peut parfois tuer Ivan et qu’il y a des séquences ou bizarrement, tout d’un coup, la difficulté semble insurmontable.  Les ennemis qui ne sont pas d’une intelligence foudroyante ont en théorie tous un point faible et des points forts même si en martelant les boutons la plupart  se retrouvent au tapis de la même façon. C’est parfois leur nombre qui pose problème : soit il y en a trop, soit il n’y en a pas assez. Certains ennemis plus gros sont plus originaux et obligent à un semblant de stratégie sous peine de game over immédiat. Au contraire, certains boss attaquent de tous les côtés et les vaincre tient presque du miracle... Cependant, lorsque Ivan a pris trop de coups et que l’écran s’assombrit dangereusement,  il suffit de quelques secondes à couvert pour qu’il reprenne du poil de la bête. De toute façon, les sauvegardes automatiques sont très fréquentes (toutes les cinq secondes, du jamais vu) dans le jeu ce qui fait que même  en « mourant », on reprend bien souvent à l’endroit de son trépas ou juste avant voire parfois juste après la séquence qui nous posait problème- c’est le genre de bugs que l’on rencontre durant l’aventure !  Avec tout ça, il faut compter six petites heures pour finir le jeu une première fois (même moins) sachant que les missions peuvent être refaites (pour trouver des trophées, par exemple).

Le Diable s'habille en gros pixel

Devil’s Third est un jeu qui a suscité de nombreuses critiques notamment à cause de sa réalisation qui il est vrai est loin d’être éblouissante. Pour autant,  on est très loin du fiasco annoncé par certains sites avec "des bugs de collision" et du "clipping en pagaille". Certes le jeu n’est pas constant et si certaines textures sont plus que correctes, d’autres le sont beaucoup moins. Cependant, la majorité du temps, l’image est stable et la distance d’affichage, appréciable. Certains décors sont même carrément jolis- notamment la ville d'inspiration chinoise.La plupart des personnages, et en particulier le héros s’en sortent aussi globalement très bien (même si certains ressemblent à de vraies marionnettes échappées des Sentinelles de l’Air). C'est d'ailleurs un peu le problème du jeu qui oscille toujours entre le "bien" voire le "trés bien" et le "mauvais". Sinon, les environnements bien que confinés sont souvent construits sur plusieurs niveaux, permettant de monter sur des caisses, des toits, des plateformes, des escaliers, etc, ce qui fait que l'on peut les appréhender de différentes manières, ce qui est véritablement leur point fort. Généralement, le décor n’est pas destructible mis à part quelques éléments (et les impacts de balles qui sont visibles- ce qui est un bon point) mais tout est toujours modélisé avec soin.  Cependant, l’ensemble est souvent terne voire grisâtre  et pâtit d’une identité visuelle quelconque loin de la flamboyance inspirée d’un Bayonetta 2.  On sent que le développement du jeu a commencé en 2008 et certaines séquences, plus que d’autres, font penser à un jeu Playstation 3 première génération, voire parfois, à un jeu Wii il faut bien le reconnaître. Le jeu n’a pourtant pas été bâclé et ne mérite assurément pas la bronca qu’il a subi. A noter d'ailleurs que les musiques épiques accompagnent parfaitement l'action.

Si le jeu peut se jouer sur le GamePad- ce qui est toujours appréciable, on ne peut pas dire que les spécificités de la Wii U soient vraiment utilisées dans Devil’s Third. Yvan étant pourtant accompagné par différents personnages qui l’aident  (et qui d’ailleurs font parfois tout le « travail » à sa place contrairement à d'autres jeux ou ils ne servent à rien), au cours de son périple, on aurait pu envisager la possibilité de faire l’aventure à deux,  avec un joueur sur l’écran de la télé et un autre sur celui du GamePad mais malheureusement, l’aventure se joue solo.

Un vrai mode multijoueur

Pour une expérience multijoueur, il faut se tourner vers le mode dédié. Malheureusement, là encore, impossible de jouer à deux sur la même console en local ou en ligne. C’est vraiment dommage car lorsqu’on voit ce que donnent les sessions de jeux multi des deux Call of Duty sortis sur Wii U (d'ailleurs bien plus jolis) et ce que cela apporte en terme de jouabilité (chaque joueur ayant son écran) Devil’s Third avait vraiment une carte à jouer à ce niveau-là. A quoi cela sert de faire une exclusivité Wii U si on ne se sert pas de ce qui fait sa différence mais aussi sa force ?

Cependant, Devil’s Third apporte sur Wii U une expérience multijoueur assez complète et encore une fois, indépendante du mode solo que l’on peut totalement négliger si on le souhaite (et vice-versa) Pour commencer, on se crée un personnage en choisissant son nom, son sexe , et différents attributs très succincts (coupe de cheveux, couleur de camouflage, etc) On reçoit alors une petite somme d’argent : 30 000 dollens (la monnaie virtuelle du jeu) et 30 œufs d’or qui peuvent être échangés soit contre des dollens (1 œuf  équivalent à 100 000 dollens)  soit contre certaines armes et des objets spécifiques payables uniquement en œufs.  Grâce à ce pécule, il est possible d’acheter ses premières armes mais aussi  de se confectionner un look avec différents vêtements, bonnets, lunettes, etc. Une fois prêt, les premières parties en ligne peuvent commencer avec différents modes. D’abord les exercices  dans lesquels on trouve une dizaine de modes aux règles et aux environnements divers dont Battle Royale dans lequel jusqu’à 16 joueurs se battent chacun pour sa peau dans différentes arènes,  Livraison express dans lequel les joueurs essaient de s’emparer  en coopérant ou pas, d’un colis envoyé depuis un avion en espérant y trouver une super arme ou encore le mode Basse-cour dans lequel  les joueurs essaient d’attraper des poules, etc…  A la fin de chaque  match, des points sont attribués qui font augmenter le niveau du joueur. Au bout d’un certain temps (une fois le niveau 5 atteint) le joueur peut intégrer un clan et participer à des matchs de siège qui lui rapporteront des dollens et le rendront plus puissant.  Pour faire simple, le but est de rejoindre un clan et  de se construire un bastion qu’il faut ensuite défendre ou faire prospérer en allant attaquer les bastions des autres joueurs…  Il y a donc un mélange d'action et de stratégie qui peut être intéressant. Ce qui est regrettable c’est que les dollens que chaque match rapportent peuvent tout simplement être achetés avec du vrai argent sur l’eShop (ou des oeufs d’or sont vendus) ce qui fausse d'avance totalement la progression en permettant à certains d'acheter des supers armes ou fortifications, etc. Mais de toute façon, un gros problème se profile à l’horizon : c'est bien joli de faire un "vrai mode multijoueur" mais y aura-t-il des joueurs pour jouer en ligne ? Lorsque c’est  le cas, le fun est souvent présent même si on est loin de l'intensité du mode Zombie des  Call of Duty  par exemple, avec ses scénarios et ses séquences d’anthologie. Il faudra donc voir en pratique ce que ça donne même si les premiers tests des sites spécialisés risquent de refroidir pas mal de joueurs. De toute façon, il aurait sûrement été plus judicieux de commencer "petit" avec un seul mode disponible, histoire de réunir et de ne pas éparpiller les joueurs dans trop de modes différents...

A noter tout de même que, contrairement au mode solo, l’écran du gamePad sert en multi pour « discuter » (avec clavier soit virtuel, soit USB) avec les autres joueurs (malgré les barrières des langues) consulter sa messagerie et accéder à différents menus. Par contre, pas de "chat vocal" même avec les amis.

Un jeu sous influence

Devil’s Third est un jeu qui part dans tous les sens sans jamais vraiment savoir où il va. Il parait pourtant évident que le jeu auraient pu être un très bon défouloir, fun et délirant s'il s'était contenté d'assumer son côté arcade et foutraque plutôt que de s’obstiner à vouloir ressembler voire carrément surpasser les ténors du genre. C’est dans cette volonté d’apparaître à tout prix comme un grand jeu que Devil’s Third rate le coche et déçoit. On a l’impression que Tomonobu Itagaki a mis tout ce qu’il aimait dans son jeu sans se soucier du résultat final : films, séries, jeux vidéo…  C'est un véritable fourre-tout dans lequel on pense tour à tour à Ninja Gaiden et Call of Duty (bien sûr) aux derniers Batman,  à Vanquish,  à Piège de Cristal avec Bruce Willis,  aux Metal Gear Solid, à Fast and Furious (on a même droit à un sosie d’Eva Mendes ) ou encore à Papa Schultz (mais là, j'ai un doute).  

Devil’s Third est un jeu que l’on aimerait aimer comme on aime une bonne série B mais qui malheureusement cumule trop d'imperfection pour faire l'unanimité et ne pas frustrer une bonne partie des joueurs. Trop générique, trop répétitif, trop court, tantôt trop facile, tantôt trop dur, pas assez précis, avec une histoire et des personnages limite ridicules...  Le jeu a probablement pâti de son développement chaotique commencé en 2008... Il a aussi probablement manqué d'une volonté capable de brider les délires de Tomonobu Itagaki en lui imposant une direction claire et qui, livré à lui même, est parti dans tous les sens (en prenant au passage le chèque inespéré de Nintendo). 

 

5
Malgré de belles promesses et quelques séquences bien rythmées, Devil’s Third ne fait pas le poids face aux grosses productions de 2015. Alors certes sur Wii U, les joueurs n’ont pas vraiment le choix mais est-ce suffisant ? Alors attention, tout n’est pas à jeter dans Devil’s Third et on reste loin du fiasco annoncé sur certains sites. Certains joueurs (moins regardants) pourront malgré tout s'y amuser et passer quelques bons moments, et même plus, si une communauté s’empare du multi. Devil’s Third n'est pas un (très) mauvais jeu, il est juste moyen, et vraiment pas à la hauteur de ses ambitions et des promesses de son auteur.

  • Quelques belles séquences
  • Quelques délires
  • Un bel arsenal
  • Un gameplay hybride original qui fonctionne
  • Un multi (presque) complet
  • Les environnements "en escaliers"
  • Trop générique
  • Manque de précision
  • Répétitif
  • Bugs agaçants
  • Le multi doit faire ses preuves
  • Pas de modes deux joueurs ni en local ni en ligne
  • Spécificités Wii U oubliées
  • Les oeufs d'or à acheter